« Nos voisins belges ont engagé des études prospectives très ambitieuses. Ils examinent les conséquences d'une élévation de la mer jusqu'à +3m, voire au-delà. »
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Bonjour, pouvez-vous vous présenter et nous éclairer sur les principales problématiques du territoire concernant l'eau ?
Fanny Serret
Je travaille à la direction Cycle de l'eau de la communauté urbaine de Dunkerque. Nous assurerons notamment la compétence en matière de Gestion des Milieux Aquatiques et Prévention des Inondations, ce que nous appelons dans notre jargon la compétence GEMAPI*. L’eau est ici un sujet majeur car ce territoire a été très anthropisé pour maîtriser les niveaux d’eau. L’eau est présente partout que ce soit sur la façade littorale ou côté continental. Notre territoire abrite 200 000 habitants, c’est le 3ème plus grand port industriel de France, avec de nombreux enjeux industriels, économiques et aussi agricoles car les anciens marécages sont devenus des terres très fertiles, parmi les plus riches de France. La maîtrise de l'eau est donc essentielle pour protéger ces atouts.
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Nous nous trouvons sur un polder ?
Fanny Serret
Oui exactement. Dunkerque est au sud d’un vaste polder qui démarre au Pays Bas, se prolonge en Belgique et s’étend jusqu’au côteaux calaisiens.
C’est un ensemble cohérent sur le plan géographique et sédimentaire. Côté français, le territoire est situé dans un triangle formé aujourd’hui par les villes de Calais, Dunkerque et Saint Omer, qui correspond au delta de l’AA, l’ancien fleuve qui drainait les eaux continentales vers la mer. Ce secteur très marécageux a été progressivement asséché à partir du Moyen-Âge.
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Ce qui explique les multiples infrastructures liées à l’eau que l’on trouve sur ce territoire ?
Fanny Serret
Oui, car pour gérer le cheminement de l’eau du continent vers la mer, il a fallu construire de nombreux ouvrages, tels que des canaux articulés avec des fossés qu’on appelle les watergangs. Ces structures forment un réseau de 1500 km de voies d'eau, dont 150 km pour la navigation. Ce réseau est complexe, dense et hiérarchisé. Il intègre également des stations de pompage, des écluses, des vannes, des siphons et d'autres équipements car n’oublions pas que le polder est relativement plat ce qui implique une mécanique particulière pour que l’eau puisse s’écouler.
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Qu’en est-il du risque de submersion marine ?
Fanny Serret
C’est un sujet essentiel car nous nous trouvons en dessous du niveau des plus hautes eaux. L’amplitude de marée peut atteindre 7 mètres. Le secteur des Moëres, qui est transfrontalier avec la Belgique constitue le point le plus bas du polder avec une altitude de -4 mètres NGF. Il est donc essentiel de disposer d’ouvrages de protection et de gestion.
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Un risque qui ne connaît pas les limites administratives…
Fanny Serret
Chaque EPCI* est responsable de la submersion marine sur son secteur en coordination avec nos voisins. Nous collaborons étroitement avec l’EPCI Grand Calais ou avec la province de Flandre occidentale car s’il existe un trou dans un cordon dunaire tout le monde sera impacté !
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Cette collaboration inclut-elle la Belgique ?
Fanny Serret
Absolument. Nous collaborons avec la province de Flandres occidentale en Belgique, qui se concentre actuellement sur l'anticipation de la montée des eaux. Nos voisins belges ont engagé des études prospectives très ambitieuses. Ils examinent les conséquences d'une élévation de la mer jusqu'à +3m, voire au-delà, selon les prévisions du GIEC*. Bien que nous en soyons encore au stade initial, nous nous inspirons de leurs travaux.
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Quelles sont leurs solutions ? Des digues ?
Fanny Serret
Ils utilisent une combinaison d'approches, dont des digues autour des structures portuaires mais ils misent surtout sur le réensablement. Ils étudient comment étendre leur littoral pour protéger la côte actuelle de la montée des eaux, parfois jusqu’à 70 mètres ! Ces études seront rendues publiques en 2023. Nous espérons établir un partenariat avec eux, car leurs actions auront des répercussions sur notre littoral, de Bray-Dunes à Dunkerque. Il est essentiel que nos stratégies soient alignées car nous partageons un territoire soumis aux mêmes contraintes.
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Quels autres types de partenariat avez-vous ?
Fanny Serret
Nous avons le projet MAGETO qui concerne la stratégie d'évacuation des eaux continentales. En collaboration avec nos voisins belges, nous envisageons d'inverser le flux du canal de Furnes, qui est parallèle à la côte, en cas de fortes pluies pour éviter les inondations. Bien que les protocoles de collaborations entre deux pays soient longs à mettre en place, ces dispositifs sont essentiels pour le bien-être et la sécurité de nos communautés respectives.